Santé Biotechnologies

A Evry, le laboratoire Généthon lance son biocluster Genother et accélère le développement des thérapies géniques !

Publiée le : , dernière mise à jour : 06.06.2023

Créé en 1990 à Évry par l'AFM-Téléthon grâce aux dons des premiers Téléthons, le laboratoire Généthon a fait son chemin. Aujourd'hui il franchit encore un cap décisif avec la constitution de Genother dont il est à l’initiative. Lauréat en mai dernier de l'appel à manifestation d'intérêt du plan Innovation santé 2030, ce biocluster porté par Généthon, Genopole, AP-HP, Inserm, Université d’Évry Paris-Saclay, Spark Therapeutics et Yposkesi, réunit une trentaine d’institutions académiques, industriels, biotechs et fonds d'investissement. Une structure unique en Europe qui va accélérer la mise en marché de médicaments issus des thérapies géniques. Interview de Frédéric Revah, son directeur général.

Quel a été votre parcours, avant de prendre la direction générale de Généthon, en 2010 ?

J'ai débuté dans les années 1980 comme chercheur en neurobiologie à l'Institut Pasteur, auprès de Jean-Pierre Changeux, pionnier dans ce domaine. Puis j'ai rejoint l'industrie pharmaceutique et plusieurs sociétés de biotechnologie. Mes choix professionnels ont toujours été guidés par l'intérêt pour la recherche de pointe et l'envie d'apporter des solutions thérapeutiques à des patients.

Cette passion est née très tôt, à huit ans, quand vous accompagniez votre père, physicien à la Nasa à Washington, à l'époque de la mission Apollo 13...

C'est vrai ! Aujourd'hui, aucun physicien ne pourrait amener son enfant dans les salles de contrôle de la Nasa, mais à l'époque, c'était possible...

Travailler sur les thérapies géniques à la fin du siècle dernier, n'est-ce pas un peu l'équivalent de la conquête spatiale cinquante ans plus tôt ?

Il y a des similitudes. Au point que j’ai été invité dernièrement à parler dans un congrès consacré à la recherche spatiale... Généthon s'est lancé en 1990 dans la recherche en thérapie génique. À cette époque, c'était de la science-fiction pure ! Personne n'y croyait. Tout était à explorer, on ne partait de rien. Qui aurait cru que, 25 ans plus tard, ce laboratoire mettrait au point un médicament qui, en une seule injection, permet de traiter des enfants atteints d'amyotrophie spinale de type 1, auparavant condamnés à mourir avant l'âge de deux ans ? Aujourd'hui, à travers le monde, 3 000 enfants ont un nouvel avenir grâce à ce médicament.

Généthon est aussi remarquable par son modèle. Un laboratoire créé par une association de malades et de parents d'enfants atteints de maladies rares qui n'avaient pas de solution thérapeutique, à une époque où les laboratoires ne s'y intéressaient pas...

C'est unique. Et cela n'aurait pas été possible sans l'immense mouvement de générosité que le Téléthon a suscité. Celui-ci a permis de financer Généthon. Depuis notre création 70 % de nos ressources viennent de lui.

Généthon a trente trois ans. Pourriez-vous revenir sur les grandes étapes qu'il a permis de franchir ?

La première date de 1992, deux ans après sa création : Généthon devance les équipes américaines et établit les premières cartes du génome humain. Un prérequis pour découvrir les gènes responsables des pathologies et parvenir en 2001 à une version finale de la carte génétique de l'homme. L'autre grande date est 2019 : un médicament issu de recherches menées à Généthon obtient une autorisation de mise en marché, pour l'amyotrophie spinale de type 1. Actuellement, nous multiplions les essais cliniques pour des maladies comme la myopathie de Duchenne, des maladies du sang, du système immunitaire, du foie et des muscles. Soit au total 13 candidats-médicaments qui sont aujourd'hui en essai clinique.

En quoi consiste la thérapie génique ?

On remplace un ADN muté par un ADN non muté pour restaurer des fonctions déficientes. Un ADN n'entre pas spontanément dans une cellule, donc il nous faut un transporteur pour l’y amener: pour cela, nous recourrons à des composants de virus reconstitués en laboratoire.

Quelles sont les maladies qui, à l'avenir, pourraient être guéries grâce aux thérapies géniques ?

Aujourd'hui, 24 médicaments relevant des thérapies géniques sont déjà autorisés aux États-Unis et en Europe pour des maladies génétiques du sang, de la vision, des muscles, mais aussi des cancers. On estime qu'à compter de 2025, 20% des médicaments seront issus de ces technologies. Elles pourraient notamment apporter des réponses pour des maladies comme la maladie de Parkinson, Alzheimer, la DMLA... Le champ des thérapies géniques est plus vaste que les maladies génétiques. On sait qu'elles ont permis le développement de vaccins contre le Covid 19. Elles permettent aussi de soigner les cancers, en injectant des virus génétiquement modifiés qui vont aider les cellules du système immunitaire à détruire les cellules tumorales.

Quel est va être l'apport de Genother, impulsé par Généthon, qui vient d'être retenu comme l'un des cinq lauréats de l'appel à manifestation d'intérêt biocluster du plan France 2030 ?

Il va permettre d'accélérer le développement des médicaments de thérapie génique, apporter de nouveaux moyens financiers et doter la France d'une filière d'excellence, de la recherche fondamentale à la mise à disposition des traitements. C'est un enjeu d’indépendance sanitaire pour le pays et un enjeu majeur pour les patients : l’objectif est de garantir l’accès à ces médicaments pour les patients dans des conditions économiquement viables, alors qu’on sait qu’aujourd’hui ils coûtent très cher, parfois des millions d'euros...