Recherche et innovation

La cité de l'atome

Publiée le : , dernière mise à jour : 29.06.2015

Depuis 1952, le site du CEA à Saclay rassemble sur 220 hectares des milliers d’ingénieurs – chercheurs et de techniciens autour de l’énergie nucléaire, mais aussi autour des sciences de la matière, des sciences du vivant, de la recherche technologique. Visite d’une ville scientifique et de ses habitants atypiques.

L’art et la matière

Avec ses trois restaurants, ses longues avenues bordées d’arbres, ses bâtiments au classicisme épuré, sa perspective "en patte d’oie" digne de Versailles, son château d’eau trônant telle une colonne triomphale, le centre CEA de Saclay ressemble plus à une ville nouvelle avant la lettre qu’à une infrastructure technique. "Le séjour aux USA de nombreux scientifiques français pendant la guerre a donné à certains l’envie de bâtir un campus à l’américaine où il fait bon vivre" analyse Anne-Marie Gendre Peter, salariée du CEA passionnée par l’histoire de Saclay.

En constant développement jusqu’à aujourd’hui, le site est organisé autour d’un plan en damier inspiré de l’université californienne de Berkeley laissant une large place à la végétation. Formant un H, les premiers laboratoires sont accolés pour faciliter la collaboration entre disciplines scientifiques. Entièrement modulable, l’aménagement intérieur est conçu dès le départ pour s’adapter aux besoins des chercheurs. Mosaïques du réfectoire, béton teinté de rose pour imiter la pierre et pilastres rythmant les façades, le CEA de Saclay est un monument à la gloire de la science. Terminée en 1952 après quatre ans de chantier, la dernière œuvre du "pape du béton armé", Auguste Perret, est une alliance entre pragmatisme et plaisir des yeux.

"Poursuivre les recherches scientifiques et techniques en vue de l’utilisation de l’énergie atomique
dans divers domaines de la science, de l’industrie et de l’industrie nationale"
Général de Gaulle, ordonnance de création du CEA (1945)


Les souterrains du fort de Châtillon accueillent les débuts du CEA créé par le général de Gaulle. Le premier réacteur nucléaire français (la pile Zoé ou EL1) voit le jour en 1948 dans ces locaux exigus. Avec les installations de Saclay inaugurées en 1952, le CEA acquiert enfin des locaux à la hauteur de ses ambitions. Réunis autour de Frédéric Joliot-Curie, des physiciens, chimistes, biologistes, mathématiciens et techniciens trouvent dans ce "nouveau quartier latin" selon l’expression de Raoul Dautry, premier directeur du CEA, un asile scientifique après les années d’exil de l’occupation. "Anatole Abragam, physicien né en Russie, pionnier de la résonance magnétique nucléaire qui conduira à la création de l’IRM ou encore le médecin, pharmacien et physicien, Jean Coursaget instigateur de la médecine nucléaire représentent bien cette période où tout restait à inventer" rappelle Edgar Soulié, physico-chimiste du CEA aujourd’hui retraité.

 

Matière à penser

Les silhouettes massives de béton de l’accélérateur de particules Van de Graaf et des deux réacteurs nucléaires installées sur le site (EL2 et EL3) rappellent cette épopée pour dompter l’énergie de la matière. Rotonde métallique surmontée d’une coupole imposante, EL3 semble tout droit sorti d’une bande dessinée de science-fiction. Après avoir franchi des portes étanches dignes d’un sous-marin, on découvre des bureaux vitrés encerclant l’emplacement du réacteur. Ce réacteur expérimental fut longtemps l’un des plus puissants d’Europe. Clin d’œil de la bande dessinée à cette ambiance futuriste, les planches d’Edgar Jacob pour « SOS Météores » de Blake et Mortimer sont publiées en 1959.

Essonne.fr vous proposera dans les semaines à venir une série d’articles pour découvrir ces multiples axes de recherche en science fondamentale et appliquée:

• Accompagner la filière nucléaire
• De l’infiniment petit à l’univers
• Au cœur du cerveau

Si EL2 et EL3 sont désaffectés depuis plusieurs décennies, deux réacteurs expérimentaux sont encore actifs à Saclay. Depuis les années 80, les expérimentations nucléaires "lourdes" sont cependant réalisées sur les sites CEA de Cadarache et de Marcoule dans le sud. Les sciences de la matière, du climat, du vivant, les technologies de l’information ou encore la robotique complètent désormais l’éventail des disciplines représentées à Saclay. Sorti de terre en 2006, le bâtiment en forme de vagues de Neurospin dédié à l’imagerie cérébrale symbolise bien cette diversification. Au-delà de l’énergie nucléaire et des sciences de la matière, le centre de Saclay est représentatif de l’ensemble des recherches civiles menées actuellement par le CEA. 

 

Des visiteurs insolites

Des années 50 aux années 80, Saclay accueille des hôtes de marque de tous les continents qu’ils soient politiques (Ministre japonais, Shah d’Iran, Prince d’Edimbourg...) ou scientifiques (Robert Oppenheimer l’un des pères de la bombe atomique, Jules Horowitz pionnier de l’atome français ou plus récemment George Charpak...). De nombreux animaux étant offerts par ces visiteurs, une ménagerie avait été créée pour les accueillir.

En 1970, un défilé de mode du créateur Courrèges s’invite dans la salle de contrôle d’un réacteur. Un pharaon égyptien compte aussi parmi les invités. Détériorée par des micro-organismes, la momie de Ramsés II s’y offre une "radiothérapie" en 1976… Depuis un an, d'autres personnages inattendus ont investi les lieux. Le Street artiste C215 a en effet fait surgir sur les murs des figures tout droit sorties de Star wars mais aussi des portraits de scientifiques pour rendre hommage aux chercheurs. De la science à la fiction, il n'y a parfois qu'un pas...

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