Coopération avec la Chine

"Nous étudions les îlots de chaleur urbains"

Publiée le : , dernière mise à jour : 01.07.2015

Le 8 juin dernier, Olivier Papin, du bureau d’études Ecic, assistait à la visite officielle en Essonne du maire de Wuhan, ville du centre de la Chine jumelée avec notre département. Un mois plus tard, sa société, basée à Itteville et à Bordeaux, va étudier les "îlots de chaleur urbains" de cette mégalopole chinoise, pour le compte du Conseil départemental de l’Essonne. Décryptage de ce sujet au cœur de l’actualité en ces jours de canicule.

Dans le cadre de la coopération entre l’Essonne et Wuhan, vous avez été missionnés pour étudier là-bas les "îlots de chaleur urbains". De quoi s’agit-il exactement ?

Olivier Papin : Ce sont des endroits, en ville, où il y a de fortes concentrations de chaleur, comme les parkings, les transports en commun, certains bâtiments… A cause de la concentration urbaine, les températures y sont de 8 à 10 degrés plus élevées qu’en périphérie des villes. Et quand on a des épisodes de canicule comme ces jours-ci, ces îlots de chaleur se renforcent encore plus : leur température, supportable quand il fait 25-30°C, peut grimper jusqu’à plus de 50°C quand on frôle les 40°C comme aujourd’hui, avec des points chauds à plus de 70°C !

Pourquoi est-il important de s’occuper de ces "bulles" de chaleur urbaine ?

Parce que ce phénomène finit par être significatif en termes de température à l’échelle d’une ville, quand il y a beaucoup de parkings, de bâtiments, de voirie... Certaines zones seront beaucoup plus chaudes que d’autres, ce qui peut poser des problèmes sanitaires, d"inconfort des villes, voir se cumuler avec de problématiques de pollution atmosphérique. C’est ce qu’on va commencer à étudier à Wuhan.

En quoi va consister exactement votre mission là-bas ?

Nous allons travailler pour le Conseil départemental de l’Essonne en apportant notre expertise au Bureau des parcs et jardins de la ville de Wuhan. Notre étude et nos conseils porteront notamment sur un projet d’aménagement d’un grand parc urbain proche du centre-ville, le parc du Lac de Sable. L’idée est de voir comment ce parc peut être valorisé afin d’aider à climatiser l’espace urbain environnant.

Où en êtes-vous aujourd'hui ?

Nous avons déjà effectué une analyse cartographique du territoire de Wuhan et identifié les points chauds de la ville. Nous allons maintenant retourner sur place fin juillet pour réaliser des relevés topographiques et prendre des photos, puis regarder comment les différents quartiers réagissent les uns avec les autres et les variations de températures enregistrées d’une zone à une autre. A partir de là, nous pourrons analyser ce qui crée les îlots de chaleur, ce qui les caractérise et surtout, comment les traiter et réduire leur impact.

« Sur un parking, la température peut grimper jusqu’à plus de 50°C quand on frôle les 40°C,
avec des points chauds à plus de 70°C ! », Olivier Papin, bureau d'études ECIC

Comment justement ?

Il suffit souvent d’utiliser des techniques simples, au niveau du choix des matériaux, des couleurs, de la place de l’ombre ou encore de la végétation. Pour reprendre l’exemple d’un parking, si l’enrobé du bitume est noir ou de couleur foncée, comme c’est en général le cas, il va absorber une grande partie du rayonnement solaire et monter en température. Son énergie en infrarouges va ensuite rayonner sur les bâtiments et les gens aux alentours. Pour s’en prémunir, on peut utiliser la couleur, l’ombre, la végétation... Les arbres par exemple vont climatiser l’air ambiant : il puise de l’eau dans le sol, évapore au niveau de ses feuilles, récupère de la chaleur et l’air redescend de ses feuilles. En tant que piéton ou passager, on va ainsi traverser une zone d’air rafraîchie.

Ce sont des techniques que vous avez testées en France ?

Oui, on a commencé à Bordeaux, à Niort, dans le Nord- Pas-de-Calais... Mais les îlots de chaleur urbains sont un sujet encore relativement nouveau, peu de projets ont déjà abouti. Ce qui est certain, c’est que quand des collectivités ou des aménageurs créent un parc urbain, comme celui en cours de réaménagement à Wuhan, ils participent à la lutte contre les îlots de chaleur, souvent sans le savoir. Bien sûr, il y a aussi d’autres approches : sur des projets neufs, on peut réfléchir en amont avec l’architecte et l'urbaniste pour intégrer ces thématiques à la conception ; pour des bâtiments ou des équipements déjà existants en revanche, il faut inventer des solutions palliatives, comme l’ombrage mécanique, la végétalisation, le travail sur les couleurs ou, mieux encore, offrir au sein du bâtiment un "îlot de fraîcheur" : un patio ombragé, un accès à un parc voisin, un jardin en contrebas...

Pourquoi intervenez-vous à Wuhan en particulier ?

Wuhan a sollicité l’Essonne pour travailler sur l’aménagement de ce parc urbain et notre bureau d’études avait déjà réalisé des bilans carbone là-bas, pour la ville de Bordeaux elle aussi jumelée avec Wuhan. Mais au-delà de ce hasard de la géographie, Wuhan est une ville qui veut avancer sur ces thématiques de lutte contre le réchauffement climatique, d’économies d’énergie et de développement durable. C’est aussi une ville où il fait très chaud : en 2013, ils ont enregistré plus de 30 jours d’affilée à plus de 35°C. Enfin, c’est une mégalopole très industrielle, qui est en train de changer et qui se pose des questions sur comment améliorer son environnement, que ce soit en termes d’efficacité énergétique, d’émissions de gaz à effet de serre ou d’îlots de chaleur. Tous ces sujets ont une portée d’ordre mondial...

Pourriez-vous un jour étudier les îlots de chaleur en Essonne également ?

Ce serait tout à fait possible et j’y suis totalement ouvert ! (rires) Même s’il fait pour l’instant moins chaud ici qu’en Chine... Mais le réchauffement climatique va exacerber les périodes de canicule comme celle de ces jours-ci. Et les îlots de chaleur qui existent ici aussi seront de moins en moins supportables.

Allez-vous participer à la Conférence internationale sur le climat (COP 21) en décembre prochain ?

Nous allons bien entendu suivre de près ce qui s’y dira. On pourrait éventuellement être amenés à présenter notre travail dans le cadre des coopérations. Notre participation consisterait alors à témoigner sur ce qui se fait en Chine et sur comment les Chinois avancent sur ces thématiques. A Wuhan en effet, nous nous limiterons à livrer les conclusions de notre étude au Bureau des parcs et jardins de la ville. Ce sont eux qui, au final, décideront de comment aménager leur grand parc du Lac de Sable, en intégrant ou non les "îlots de chaleur et de fraîcheur urbains" à leur projet.