Mémoire

14-18 vu de l'intérieur

Publiée le : , dernière mise à jour : 29.06.2015

Les Archives départementales de l’Essonne comportent plusieurs lettres et carnets rédigés durant la Grande guerre par les personnes qui la vécurent. Ecrits surtout par des soldats, ces documents sont des témoignages irremplaçables du quotidien pendant la Grande guerre.

Le plus souvent ces documents viennent d’archives privées. Les familles ont conservé précieusement la correspondance reçue du front. De leur côté, les soldats ont rarement conservé les envois de leurs familles du fait de leur mobilité.

Des nouvelles de l'arrière

Ces documents témoignent du quotidien des civils et des soldats. ainsi que de leurs rapports avec leurs proches. On y perçoit les responsabilités nouvelles des femmes restées seules au foyer : concilier éducation des enfants, gestion des biens et parfois travail en dehors du foyer.

"Ma chère petite Laure, Je viens répondre à la lettre que je viens de recevoir datée du 5. Je te remercie beaucoup de tes excellentes idées avec le courage que tu emploies pour aider ta maman qui ne cesse bien entendu de faire de son mieux pour ne pas abuser de sa force"
.

La fin des illusions

A partir de 1915, leurs rédacteurs, et surtout les Poilus, écrivent leurs craintes et leur envie d’en finir avec ces  "horreurs" qui n’en finissent pas et la vie de tranchée. "On commence à devenir comme les taupes", décrit l’écrivait René Filoleau, dont les descendants s’installèrent en Essonne. Dans ses Souvenirs de guerre, 1915-1920, Edouard Lefort, qui vécut à Cerny, après avoir évoqué son enthousiasme de faire partie de cette "belle jeunesse" patriotique, décrit comment il est devenu une gueule-cassée :

"Je sens que je suis rudement touché, râlant, la bouche en feu, le sang coule à flot et m’étouffe […]. Non, mais vais-je mourir ainsi ? Agonir pendant des heures et des heures, dans l’impossibilité de faire le moindre mouvement. Boum !... Boum !!... les obus tombent toujours autour de moi. […] Je promène ma main dans ma bouche : à droite, il me reste quelques dents, en haut les dents cassées qui me font bien souffrir, en bas vide complet, plus de lèvre, ni de maxillaire".


Des remises en cause de la guerre exceptionnelles

Ce sont les conditions de vie et les difficultés morales et physiques qui sont critiquées mais rarement la guerre et la propagande patriotique. Les archives comportent cependant quelques exemples de dénonciations, tel un poème rédigé par Victor Tontes, qui déserta en 1917, intitulé  "Ce que l’on fait de vos enfants", adressé à son frère Joseph, habitant de l’Essonne :

"Pauvre petit pantin, ho triste marionnette
L’on te donne fusil, cartouche et baïonnette
Et l’on te dit va t’en tuer d’autres soldats.
Quel bien triste métier ! Quel bien triste combat !
Tu t’en vas en chantant des chansons de victoire
Tu t’en vas en rêvant de galons et de gloire
A la première étape tu réfléchis un peu
A la deuxième tu pleures, tu es malheureux
A la troisième en toi vient la colère
Et tu dis en pleurant, oui je hais la guerre" .


L’instantané d’une époque

En plus du contenu écrit, les cartes postales et les photographies annotées rendent compte des représentations de la guerre, des scènes de la vie courante des soldats, et des modifications du paysage du département, alors Seine-et-Oise. Leur lecture permet de comprendre que le département formait une vaste zone de préparation arrière au front. Elles offrent un portrait vivant des idées et des territoires pendant le conflit.

 

Notre série sur la Guerre 1914-1918

Nous vous proposons de (re)découvrir le rôle de notre territoire tout au long de l’année dans notre rubrique consacrée au Centenaire de la Guerre 1914-1918. Une douzaine d'articles retracera des épisodes originaux et peu connus de cette guerre en Essonne. Ces articles sont réalisés avec le concours des Archives départementales de l'Essonne (Dominique Bassière, Lisbeth Porcher et Nathalie Noël) et l'équipe rédactionnelle du site Essonne.fr (Olivier Moulergues et Vincent Bolantin).

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