Prévention santé Jeunesse

« Face au cyberharcèlement, il ne faut pas rester seul »

Publiée le : , dernière mise à jour : 12.10.2022

Covid-19, changement climatique, guerre en Ukraine. Depuis deux ans, les crises s’enchaînent pour les adolescents et jeunes adultes de la génération Z. Nous avons rencontré le pédopsychiatre Marcel Rufo pour lui poser nos questions, notamment sur le cyberharcèlement.

Au jeu des questions-réponses, Marcel Rufo a accepté de nous accorder de son temps. Nous tentons à travers cet échange de trouver des solutions, du soutien, face au cyberharcèlement de plus en plus présent dans la vie de nos jeunes.

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur la santé mentale des adolescents ?

L’impact est très sévère avec une véritable épidémie de dépressivité chez les adolescents. Nous constatons également une hausse de 20 à 30% des idées suicidaires. Les actes de scarification – qui consistent à se taillader ou brûler le bras, par exemple – sont également en augmentation. Ce geste est une façon de mettre en lumière son mal-être sans vouloir mettre fin à ses jours. En 2020, la fermeture des établissements scolaires, dictée par les mesures sanitaires, a privé les collégiens de leurs amis, leurs repères, leur autonomie. Certains ont renoué avec des comportements infantiles.

Au collège, le cyberharcèlement prend de l’ampleur. En quoi est-ce inquiétant pour les adolescents ?

C’est un phénomène redoutable pour le jeune qui en est victime. La haine en ligne est un des effets les plus toxiques des réseaux sociaux et d’Internet à cause de son aspect répétitif et mondialisé. Le surpoids est la principale cause d’attaques. Puis viennent l’origine, l’apparence, le rang social et enfin le handicap. Une innocente déclaration d’amour peut aussi être sujette à moquerie. Au collège, les différences ne sont pas acceptées. Le cyberharcèlement sexiste est de plus en plus fréquent. Une adolescente qui partage des photos ou des vidéos dénudées a peut-être ses propres fragilités, des problèmes d’impudeur, etc. Elle devient victime d’un élève qui diffuserait ces images à son insu. La transgression fait partie des comportements propres à l’adolescence. Mais lorsque ces derniers se retrouvent sur la toile, ils prennent des proportions incontrôlables. Il faut aussi s’intéresser aux agresseurs parce qu’ils sont eux-mêmes souvent agressés à domicile et sont souvent fragiles.

Que peuvent faire les collèges pour lutter contre le cyberharcèlement ?

Dans de nombreux établissements scolaires, des exposés sont faits pour expliquer ce qu’est le cyberharcèlement. On nomme des ambassadeurs, c’est-à-dire des adolescents qui sont d’accord pour défendre un enfant harcelé. En Essonne, des collèges proposent des ateliers théâtre pour sensibiliser les élèves aux dangers du cyberharcèlement. Avant tout, les élèves et les parents doivent en parler, informer le conseiller principal d’éducation (CPE), les enseignants, se rapprocher du système de santé scolaire. Il y a souvent des protocoles dédiés au harcèlement et cyberharcèlement dans les collèges. Cela peut aller d’une simple alerte préventive à un signalement aux autorités administratives. Quoiqu’il en soit, il ne faut pas rester seuls. La victime peut en parler à un ami qui s’adressera à son tour aux parents puis aux enseignants.

Comment les parents peuvent-ils déceler que leur enfant est harcelé ?

Ces situations sont difficiles à repérer pour un parent. Il y a une grande normalité à l’utilisation des réseaux sociaux, mais cela devient un signe inquiétant lorsque l’adolescent y passe six heures par jour. Par ailleurs, un changement brutal et incompréhensible de comportement, de relation au sein de la famille peut être perçu comme un signal d’alerte. Mais là encore, ce n’est pas simple car l’adolescence est justement l’âge où le caractère change.

Comment les parents peuvent-ils accompagner leurs enfants dans l’utilisation des réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux des enfants sont l’équivalent des journaux intimes de leurs parents. Ils ont droit à leur jardin secret. Mais les adultes doivent amorcer la discussion, témoigner d’un intérêt pour la vie numérique de leurs enfants. Vous pouvez par exemple leur demander comment fonctionne telle ou telle application. Il ne faut pas les abandonner numériquement. Mais la confidentialité a ses limites, lorsque le développement du jeune est affecté (s’il devient agressif ou au contraire effacé). Si l’enfant est victime, il faut l’aider et ne pas lui dire « défends-toi ». Car l’enfant ne peut pas se défendre tout seul. Il faut en revanche lui dire « je suis avec toi et on va faire cesser ça ».

De façon plus générale, l’adolescence est la phase du changement, celle de l’autonomie. Comment rester en phase avec son « ado » ?

Il faut savoir ouvrir la discussion, rester dans la compréhension et la bienveillance. Les parents doivent insister avant tout sur les éléments positifs. Par exemple, mettre en avant les matières où il est performant. Quelle que soit son orientation après le collège, encouragez-le en lui disant qu’il va trouver le métier qui lui plaira plus tard. Les parents doivent rester supporteur de leurs enfants, les renarssiciser en permanence. Que risque-t-on à être optimiste ? Surtout, quand les parents se sentent dépassés, s’ils constatent des signes de mal-être, ne pas hésiter à consulter son médecin traitant qui va évaluer la gravité de l’état psychologique de l’enfant, éventuellement se diriger vers un psychologue, un psychiatre, un Centre médico-psycho-pédagogique, la Maison des Adolescents.

Un numéro d’écoute pour en parler

Le 3020 est un numéro d'écoute et de prise en charge au service des familles et des victimes. Le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse met à disposition des élèves, des familles et des professionnels un numéro pour signaler les situations de harcèlement entre élèves.

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