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L'étoile du terroir

Publiée le : , dernière mise à jour : 06.04.2016

Lorsqu'il installe son affaire à Boutervilliers en 2009, les mauvaises langues ne lui donnent pas un an. Sept ans plus tard, à force de travail et de persévérance, Aymeric Dreux est le seul chef étoilé de l'Essonne. À 34 ans, il propose tradition et amour des bons produits à la carte de son restaurant, le Bouche à oreille. Rencontre.

Est-il difficile de devenir un chef étoilé de nos jours ?

Il faut arrêter de dire qu’en France on ne peut plus entreprendre. Il y a des opportunités. Il suffit de de travailler dur pour les saisir. J’en suis la preuve vivante. Peu passionné par l’école, rêveur, dissipé, l’apprentissage m’a sorti de l’ornière. Peu avant mes 15 ans, j’ai remplacé sur le tas le second de mon tuteur à Longpont-sur-Orge et j’ai fait mon premier service, un enfer. Mais j’ai rempilé et appris les bases du métier avant de finir mon apprentissage au Bas-Réau de Barbizon. Je suis ensuite parti à Paris pendant 15 ans. J’ai travaillé pour Joël Robluchon et Alain Dutournier avant de devenir chef au Bistrot du Sommelier chez Philippe Faure-Bac. À 27 ans je préparais mon projet, à 28 le Bouche à oreille ouvrait à Boutervilliers. L’année dernière, mes 14 employés et moi décrochions une étoile.

Pourquoi Boutervilliers ?

Il n’y a pas que Paris quand on est restaurateur et je voulais regagner mon village natal. Etampes et ses environs c’est la vie de province à 40 kilomètres de la capitale. Certes, les touristes n’envahissent pas le restaurant en semaine, mais nous servons jusqu’à 80 couverts les week-ends. Les grands axes et les maisons secondaires de la région drainent une clientèle du Sud Essonne, des départements voisins (Eure-et-Loir, Yvelines, Loiret) et même de Paris. Je suis heureux comme ça, il faut simplement accepter de vivre à la provinciale. Et puis cet isolement relatif a du bon. Il pousse à faire de la qualité, celle qui fait le bouche à oreille (sans mauvais jeu de mots) et la renommée d’un lieu. J’éprouve d’ailleurs une certaine fierté à avoir fidélisé mes clients après 7 ans d’activité.

Quelles valeurs véhicule votre cuisine ?

J’aime la cuisine bourgeoise revisitée, franche et sans esbroufe. Mes produits ont le goût de leur appellation et je respecte ma région. Si je sers un filet de bœuf au jus de malabar dans la culture beauceronne et paysanne qui nous entoure, ça ne prendra pas. Nos clients viennent chercher les goûts d’antan et les produits du terroir auxquels ils éduquent leurs enfants. J’accorde d’ailleurs une grande importance à l’éducation au goût et au plaisir d’une belle table nappée. C’est une façon de poser des repères pour le futur de nos têtes blondes.

Et l’étoile ?

C’était mon objectif et je compte bien la garder. Pour cela il faut se battre et se remettre en question à chaque service. Car si le guide Michelin est publié une fois par an, je ne sais jamais quand le critique s’attablera chez nous, ni qui il est. L’équipe est en permanence sur la sellette. En revanche je ne vise pas de deuxième étoile. C’est beaucoup de pression et ça implique une augmentation des tarifs que notre clientèle d’habitués ne suivrait pas. Je ne souhaite pas me reposer uniquement sur les clients occasionnels.

Quel avenir pour le Bouche à oreille ?

J’aime bâtir des projets qui s’inscrivent dans la durée. Je suis admiratif des gens qui partent de rien pour construire un petit empire et s’entourer de collaborateurs de confiance. Concrètement je ne suis pas venu ici pour jouer une partie de flipper mais ma vie. La prochaine étape sera donc un hôtel trois étoiles, ici, à Boutervilliers. Le terrain est acheté, le projet à l’étude à la mairie. Séminaires business, mariage, restaurant étoilé à proximité… je suis convaincu que cela marchera. De toute façon si ça ne se fait pas ici, ça se fera ailleurs. Il faut savoir être philosophe dans les affaires.


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