Recherche et innovation

Des petites bêtes qui montent

Publiée le : , dernière mise à jour : 29.06.2015

Elever des insectes pour nourrir des poules ou des saumons ? C’est l’idée de la start-up Ynsect installée au Genopole d’Evry. Son projet est de produire industriellement cette source prometteuse de protéines mais aussi de matières premières pour la pharmacie et l’industrie.

Un marché d’avenir

70% des protéines utilisées dans l’alimentation animale en France sont importées. Du soja venu d’Amérique nourrit nos volailles. En aquaculture, les poissons consomment des farines à base d’autres poissons importées du Pérou et du Chili dont l’épuisement se fait déjà sentir. "Trouver des solutions à la dépendance en matière alimentaire est aussi stratégique que d’en trouver pour la dépendance énergétique" constate Alexis Angot, l’un des quatre co-fondateurs d’Ynsect, créée en 2011 par deux ingénieurs, un agronome et un diplômé d’une grande école de management.

Aussi riche en protéines que les autres viandes, la chair d’insecte est l’alternative étudiée de près par la jeune entreprise francilienne pour confectionner l’alimentation animale du futur. L’insecte est une solution naturelle puisque les volailles et poissons consomment naturellement des insectes dans leurs milieux naturels. Pour l’heure, Ynsect travaille sur deux espèces locales déjà bien connues des scientifiques : la mouche soldat et un scarabée, le Tenebrio Molitor. Des partenaires institutionnels comme l’Agence nationale de la recherche, des laboratoires publics rattachés au CNRS, l’école AgroParisTech, le CEA et des investisseurs privés sont déjà intéressés par ce concept. 1,8 millions d’euros ont été levés au printemps dernier pour accélérer le développement de leur projet phare : l’élaboration d’unités d’élevage industriel d’insectes appelées bioraffineries.

Un défi scientifique

Le modèle de bioraffineries d’insectes développé par Ynsect est à mi-chemin entre l’élevage, la chimie organique et l’industrie. Ces "fermes" d’un genre nouveau sont composées d’une unité d’élevage et d’une unité de transformation. Aimant vivre serrées les unes contre les autres, les insectes ne souffrent pas de la promiscuité, un atout pour produire des protéines sur des surfaces réduites. Chauffés et nourris avec des coproduits céréaliers (notamment des résidus de l’industrie minotière et de la production de biscuits), les œufs se développent pour devenir des larves en quelques semaines. Il ne reste plus alors qu’à les récolter. Elles sont alors abattues par un procédé doux, puis le tout est réduit en poudre. Cette base sera proposée aux formulateurs qui composent les mélanges destinés aux animaux . Les déjections peuvent, quant à elle, être employées comme engrais dans l’agriculture.

Actuellement en stade pilote après une première étape en laboratoire, les volumes testés ne sont encore que de quelques tonnes d’insectes mais l’objectif est de concevoir des "installations industrielles" de plusieurs dizaines de milliers de tonnes. Ce changement d’échelle nécessitera encore de nombreux mois d’expérimentation. "La complexité des processus vivants en jeu rend nécessaire un développement étape par étape" analyse Alexis Angot.

Trouver de nouveaux débouchés industriels

Nouvelle source de protéines, la solution développée par Ynsect offre également l’avantage de valoriser tous les autres produits de l’insecte. Un procédé mis au point par Ynsect permet ainsi d’extraire la chitine, constituant principal de la carapace de l’insecte. Aujourd’hui extraite des crustacés et de certains champignons, cette matière est utilisée comme dégraissant dans les stations d’épuration et en pharmacie dans certains régimes amincissants. La chitine dispose de prometteuses propriétés et de nouvelles applications sont régulièrement découvertes.

La nutrition humaine est un autre débouché possible. En Afrique ou en Amérique Latine, les insectes sont déjà consommés depuis longtemps. L’équipe d’Ynsect garde un œil attentif sur le sujet. 

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