Histoire

Le train de l'an 2000

Publiée le : , dernière mise à jour : 20.02.2017

Dans les années 60, les habitants de Limours et de ses environs découvraient un drôle d’engin, l’Aérotrain. Cette invention de l’ingénieur Jean Bertin n’a jamais été exploitée et pourtant, elle promettait de rapprocher les métropoles régionales françaises à moindre coût.

"L’Aérotrain c’est un peu un croisement entre un avion et un train", lance Thierry Farges, vice-président de l’association des amis de Jean Bertin (AJB). C’est un des collaborateurs de Bertin qui redécouvre par hasard en 1957 le principe de sustentation par coussin d’air (effet de sol). L’ingénieur décide alors de l’appliquer aux transports dont il est friand. L’Aérotrain était né.

"La sustentation a de multiples avantages par rapport aux bogies* des trains classiques. Elle permet de réduire considérablement les infrastructures (pas de ballastes ou caténaires, un simple rail de béton fait l’affaire), l’absence de frottement offre des économies d’énergies, enfin le coussin d’air affranchit de la roue et éliminent les secousses pour les passagers", explique Thierry Farges.

Essais essonniens

Afin de mener ses essais à bien, Bertin choisit l’ancienne ligne de chemin de fer Paris-Chartres par Gallardon. Désaffectée et dépourvue de ses voies, la portion Limours- Gometz-le-Châtel s’avère idéale pour faire courir le rail de 6,7 km de l’Aérotrain. Une plateforme de retournement et un hangar sont construits à Limours pour accueillir ce drôle d’oiseau de fer blanc.

En 1965, le prototype 01 est lancé. "Un travail un peu artisanal d’ingénieurs passionnés", s’amuse le vice-président de l’AJB. Fabriqué à l’échelle ½, il embarque un moteur d’avion pour se propulser et deux moteurs de Renault 8 Gordini. Ces derniers entrainent deux ventilateurs qui alimentent les coussins d’air séparant le train du sol. Ses concepteurs mènent timidement le prototype 01 à 75 km/h. En 1966, il atteint 200 km/h puis 345 km/h en avril 67. La même année, les ingénieurs créent le prototype 02, uniquement dédié aux études de faisabilité et de vitesse. L’engin affiche sans peine 422 km/h au compteur.

Paris-Orléans en 20 minutes

Fort de ces résultats concluants, un aérotrain grandeur nature finit par accueillir 80 passagers sur une piste d’essai de 18 km dans le Loiret. "À terme, il aurait relié Paris à Orléans en 20 minutes". D’autres liaisons entre Paris et ses aéroports ou encore Cergy et La Défense étaient également prévues. "Le projet était prêt. Pompidou avait signé les décrets de mise en œuvre". Malheureusement pour Jean Bertin, le Président décède prématurément et son successeur préfère le TGV à l’Aérotrain. Très affecté, l’ingénieur meurt à son tour en 1975.

Petit à petit, les infrastructures de l’Aérotrain disparaissent. La voie de Limours est transformée en coulée verte, le hangar brûle et il ne subsiste que quelques kilomètres de voies le long de la RN 20, dans le Loiret.

En 1998 pourtant, Thierry Farges redécouvre l’Aérotrain au détour d’un reportage. "Le prototype 01 que j’avais découvert en une de Paris Match étant jeune et qui me fascinait était remisé dans les réserves du musée du chemin de fer de Mulhouse. Ce "train de l’an 2000" devait revivre. Je suis allé le chercher". L’histoire se répète quelques mois plus tard lorsque le bureau d’étude Bertin quitte Plaisir (78). Thierry Farges sauve in extremis l’épave du prototype 02 de la destruction.

Pour le plaisir

Aujourd’hui les deux véhicules sont restaurés et conservés près de Versailles dans les locaux d’une association de passionnés "de véhicules d’intérêt historique et technique" (l’UNIVEM). L’AJB organise des expositions et participe aux journées du patrimoine pour faire connaitre ce mode de transport hors du commun. "Notre objectif serait de remettre en service l’aérotrain 01, pour le plaisir de le voir avancer. Un simple rail en béton étant suffisant, il nous faudrait juste un terrain et un mécène pour y arriver". À bon entendeur…

* bogies : chariots sur lesquels sont fixés les essieux des wagons et des locomotives.