Santé

Les blouses blanches de l’Essonne planchent sur l’avenir de leurs métiers

Publiée le : , dernière mise à jour : 27.03.2024

Médecins, infirmiers, pharmaciens ou encore psychiatres : près de 300 professionnels de santé, du médico-social et du social étaient rassemblés au Génocentre le 21 mars pour les Rencontres de la santé, aux côtés de collectivités et de partenaires institutionnels. L’occasion de réfléchir à l’avenir d’un secteur en tension.

« J’ai un médecin traitant mais c’est compliqué et long d’avoir un rendez-vous. » « Je me suis déjà retrouvée aux urgences pour pas grand-chose parce que je n’avais pas de place chez un généraliste. » « Chez les dermatos, les dentistes, les kinés ou les ophtalmos, il faut en général plusieurs mois pour avoir un rendez-vous. » Voici quelques témoignages d’Essonniens glanés lors d’un micro-trottoir et diffusés aux Rencontres de la santé, qui se tenaient le 21 mars au Génocentre à Evry-Courcouronnes.

Cinq ans après la dernière édition en 2019, près de 300 professionnels de santé étaient invités par le Département pour réfléchir à l’état et à l’avenir de leur secteur. « Le monde a considérablement changé depuis la pandémie du Covid-19, surtout dans le domaine de la santé, a rappelé le président du Département François Durovray dans son discours d’ouverture. Aujourd’hui, la santé est la deuxième attente des Essonniens, juste derrière les mobilités : avec 6,1 généralistes pour 10 000 habitants, l’Essonne se classe au 85e rang des départements français en termes de densité médicale. Il est donc légitime de s’emparer de ce sujet. Ces Rencontres sont essentielles et alimenteront notre nouvelle politique de santé qui sera votée à l’été. »

Attirer plus de médecins en Essonne

Premier thème abordé en table ronde : comment attirer davantage de professionnels de santé en Essonne, alors que l’Ile-de-France est désormais le premier désert médical français ? Notre Département aide déjà financièrement les médecins généralistes, spécialistes et autres professionnels de santé à s’installer sur le territoire, comme le Dr Valérie Collart, orthophoniste à Méréville depuis 2022, qui a témoigné. Il attribue aussi des bourses d’études aux internes en médecine, comme Simon, en PMI à Etampes. Enfin, il soutient la création de maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) qui permettent un exercice coordonné. Tous ces dispositifs vont perdurer dans la nouvelle politique départementale de santé.

Autres leviers évoqués pour attirer les jeunes générations de médecins : les maîtres de stage universitaire qui accueillent des étudiants en médecine à leur cabinet, un rôle présenté par le Dr Juliette Sussan, médecin généraliste à Epinay-sous-Sénart ; ou les équipes universitaires en milieu hospitalier, « pour former les futurs médecins et leur donner envie d’y rester après leurs études », a expliqué le Dr Valérie Caudwell, présidente de la Commission médicale d’établissement du Centre Hospitalier Sud Francilien (CHSF) à Corbeil-Essonnes. Des logements seront par ailleurs réservés aux internes en médecine et aux jeunes professionnels de santé pour les aider à se loger à proximité du CHSF. Christine Schlosser, directrice de l’Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) Barthélémy Durand à Etampes et Sainte-Geneviève-des-Bois, a elle mis l’accent sur la nécessité de faire connaître les métiers du secteur médical aux collégiens et aux lycéens avec des opérations portes ouvertes et des forums.

Nouvelle organisation et nouveaux métiers

Mais pour l’heure et peut-être à l’avenir, comment soigner dans un contexte de manque de ressources humaines ? C’était l’objet d’une autre table ronde qui a esquissé les contours d’une « nouvelle organisation des soins » : les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) regroupent les professionnels d’un même territoire autour d’un projet de santé pour répondre à des problématiques communes ; les dispositifs d’appui à la coordination (DAC) accompagnent les patients dont le parcours de santé est complexe ; les infirmières en pratique avancée (IPA) exercent des compétences élargies, jusque-là dévolues aux seuls médecins, comme la prescription de médicaments ou d’examens ; enfin, le métier de pharmacien a lui aussi évolué depuis le Covid-19 autour de nouvelles missions : dépistage, vaccination, tests… mais aussi tri, orientation et recherche de solutions face à la pénurie de médecins traitants.

Une santé sexuelle positive

Santé sexuelle et santé mentale ont également été au cœur des discussions. Pour garantir une « santé sexuelle positive », c’est-à-dire « un état de bien-être physique, émotionnel, mental, associé à la sexualité », les intervenants ont mis en avant l’importance de faire de la prévention et de l’éducation à la sexualité dès le plus jeune âge. Dès la grande section de maternelle, la Direction de la protection maternelle et infantile (PMI) du Département a mis en place l’action « Bien grandir en Essonne » : « Il s’agit d’apprendre aux enfants à parler du corps, du vivre-ensemble, des différences filles-garçons, des émotions, des sens et de l’intimité », a résumé le Dr Elodie Dantel, cheffe de secteur PMI. L’éducation à la sexualité se poursuit ensuite à l’école et jusqu’en classe de Terminale. « C’est une des missions éducatives de l’école à raison d’au moins 3 séances annuelles », a rappelé Isabelle Prieur, infirmière conseillère technique départementale dans l’Education nationale.

Dans le cadre du Comité départemental de coordination des actions d’éducation à la santé et à la sexualité (CDCESS), elle et son équipe interviennent auprès des collégiens de 4e avec l’ouvrage « Questions d’ados » distribué par le Département. Le CDCEESS sillonne aussi les routes de l’Essonne à bord du camion de prévention « Tout SEXexplique, en route pour la santé sexuelle », mène des actions en faveur des femmes en situation de précarité ou de prostitution et forme des intervenants à l’éducation à la sexualité. Deux associations ont ensuite présenté leur action : le Planning familial 91 avec son combat en faveur de l’IVG, au lendemain de l’inscription historique de ce droit fondamental dans la Constitution le 4 mars dernier ; et le dispositif « Essonne sans Sida » qui a pour objectif 0 contamination en 2030, détaillé par AIDES 91.

La santé mentale, grande cause nationale ?

Côté santé mentale, la période actuelle est marquée par une détérioration de l’état de la population francilienne, particulièrement chez les jeunes : troubles anxieux, de l’humeur, dépressions, pensées suicidaires, consommation d’alcool, de drogues illicites, mauvaises habitudes de sommeil… L’ARS Ile-de-France en a fait une de ses priorités. Et un collectif composé d’associations, d’élus et d’acteurs du secteur a lancé une pétition pour faire de la santé mentale la grande cause nationale 2025. « Les troubles psychiques comme la bipolarité ou la schizophrénie sont des pathologies invisibles, difficiles à détecter. Plus le diagnostic est posé tôt, mieux le patient pourra être accompagné dans son projet de vie », a expliqué Dominique Ergand, de l’UNAFAM 91, une des associations à l’origine de cette pétition, elle-même maman d’un garçon atteint de troubles psychiques. L’association JADE, qui soutient les jeunes aidants, était également présente pour parler du sujet avec sa fondatrice Françoise Ellien.

« A travers nos quatre tables rondes, nous avons abordé des thématiques variées, toutes essentielles pour répondre aux défis actuels et anticiper ceux de demain, a conclu Cendrine Chaumont, présidente déléguée en charge de la protection maternelle et infantile et de la santé. Et l’urgence est là : nous ne pouvons pas nous permettre de laisser nos concitoyens sans accès aux soins de santé de qualité. Vos contributions constitueront la substantifique moelle de notre nouvelle politique de santé. » Le vote est prévu à l’Assemblée départementale le 1er juillet.